Perspective: Noirs | JENNY SALGADO

6 Fév

Perspective: Noirs | JENNY SALGADO

Jenny Salgado est chanteuse. Née à Montréal, elle a grandi dans le quartier Saint-Michel. Elle s’est fait connaître en 1996 avec le groupe hip hop francophone Muzion, qui s’est mérité plus d’un honneur à l’ADISQ et aux Urban Music Awards, pour ne nommer que ceux-là. Les tournées ont permis au groupe des collaborations avec Wyclef Jean, des ouvertures des spetacles d’Eminem et NTM, et l’ont même conduit sur la scène du Zénith, à Paris. La critique remarque rapidement la plume talentueuse de Jenny, qui est aussitôt sollicitée par plusieurs artistes interprètes. En 2010, Jenny sort son premier disque solo, Et tu te suivras, qui démontre bien toute la polyvalence de l’artiste dans les styles musicaux choisis pour s’exprimer.

 

Née à : Montréal, Québec, Canada

Origine : Haïti

Profession :  Auteure-compositrice-interprète  (…de mon existence)

Selling dreams, giving away reality checks. Spécialiste du vide (sais pas encore si je le creuse ou le remplis) La game ? Le bluff ??? J’ai pris un pari : J’suis all in. Je ne sais pas jouer ma vie… Mais je sais la gagner.

 

1. Ce que le fait d’être Noire m’a appris dans la vie :

J’aurais pu répondre en joke pour faire l’intéressante et demander en retour qu’est-ce qu’on désapprend quand on n’est pas noir ? Mais y’a absolument rien de drôle à cette proposition. En effet, quand on n’est pas noir, on ne sait pas être noir.

Dès l’instant où j’ai atteint l’âge de remarquer les différences que caractérisent l’origine comme l’originalité de chaque être humain, j’ai compris que c’est la manière dont on manifeste celles-ci qui forgera à jamais notre définition et notre existence…

J’ai appris que nous ne sommes que ce que nous sommes aux yeux des autres. J’ai été noire à partir du moment où on me l’a fait remarquer. À partir du moment où, parmi toutes les spécificités qui forment mon individualité, le fait d’être noire fut la première et la dernière à partir de laquelle on me distinguait.

Il n’en tenait donc qu’à moi de présenter ma négritude.

J’ai appris que l’homme, de par sa nature, a d’abord et avant tout l’instinct de se protéger de ce qu’il ne connaît pas.
Que ce sera donc mon obligation, de présenter ma négritude.

J’ai appris que ce sont les luttes pour ou contre les différences et les appartenances qui ont taillé notre histoire.
Qu’être noire avait toujours été mon premier foyer, ma première famille et mon premier champ d’honneur.
Que ce sera mon drapeau et ma victoire de présenter ma négritude.

J’ai appris toute la beauté de mes gènes, de ma force naturelle ancestrale. Toute la grandeur et la profondeur ancrée de mon histoire. Tout mon pouvoir biologique et spirituel, intrinsèque et spontané.

Que plus un être humain, au nom de son peuple, sait se battre pour exister, plus il sait vivre et plus il sait aimer.

J’ai appris que ce sera mon œuvre de présenter ma négritude.

J’ai compris que personne ne peut te raconter mieux que toi-même.

Que si tu ne parles plus de toi, si tu ne te souviens plus de toi, si tu éparpilles plus d’énergies à prouver aux autres ta conformité plutôt qu’à démontrer la valeur bien plus profitable de tes distinctions, tu t’éclipseras toi-même. Tu t’assujettiras jusqu’à disparaître complètement. Ne cherche pas ton maître. C’est toi.

J’ai appris que c’était mon impératif de me présenter à la négritude.

La négritude sera définie à partir de moi.

 

2. Ce que j’aimerais dire aux jeunes qui liront mon message :

J’peux seulement dire qui je suis, pourquoi je marche et qu’est-ce qui a marché pour moi :

Mon swag, mon attitude, mon caractère me démarquent et illuminent celle que je suis quand je me présente. Mais c’est le fait de savoir d’abord exactement qui je suis et qui dans l’histoire a marché sur mon chemin bien avant moi, qui me donne cette confiance et cette originalité.

C’est ce qui me permet de regarder n’importe qui droit dans les yeux quand je dis ce que je pense et surtout, ce que je sais.

C’est ce qui fait que personne n’a jamais pu me marcher sur les pieds ou me faire douter de moi-même et de ma valeur.

Personne ne peut me reprocher cette confiance parce qu’elle est sincère. Parce qu’elle est justifiée. Parce que je connais et respecte mon histoire et que j’peux donc backer tout ce que je choisis d’être et tout ce que je choisis de faire en suite d’elle. Et c’est ce qui me permet d’avancer, la tête haute, en appliquant et en exigeant le même respect partout où je vais, comme si j’étais chez moi. Alors quoi ?

 

3. Ce que j’aimerais dire à un immigrant :

Bienvenue parmi ce peuple nouveau que vous avez choisi. Il vous choisira à son tour si vous savez l’aimer et le respecter, comme dans toutes relations.

Or, ce sentiment doit se conjuguer d’abord à la première personne de la singularité. N’ayez crainte. Immigrer ne veut pas dire s’oublier, se laisser derrière. C’est l’art et l’amour de savoir s’ajouter, au moins autant qu’on prendra. De savoir accentuer pour marquer l’assimilation de son identité. De savoir partager pour se donner sans se perdre, pour porter sans être piétiné.

C’est avoir le courage et la civilité de s’imprégner de la culture qui te reçoit, de la tenir en estime, de la représenter sans jamais cacher celle d’où tu viens et que tu garderas dans ta définition et ta détermination, peu importe où tu te retrouveras.

À tous les immigrants qui ont dû se déloger de leurs pays et de leurs histoires pour tenter d’offrir l’autre côté de notre réalité déséquilibrée à leurs enfants ou à leurs avenirs, qui ont dû s’exiler, les bras fatigués mais ouverts, comme leurs cœurs serrés, qui ont la force de porter les emblèmes, les combats, les victoires et les défaites, les aspirations et les rêves de plus qu’un drapeau… à mes parents, merci.

Je tâcherai de vous rendre honneur et de ne pas vous décevoir.

Jenny Salgado

 

Présentation de Perspective: Noirs
1er février: Oliver Jones (FR) | (ENG)
2 février: Dominique Anglade
3 février: Brian Tyler
4 février: Tetchena Bellange
5 février: Ulrick Chérubin

7 février: Dorothy Rhau
8 février: Henri Dorvil
9 février: Isabelle Massé
10 février: Fabrice Vil
11 février: Anthony Kavanagh
12 février: Jean David Prophète
13 février: François Bugingo
14 février: Sarodj Bertin
15 février: Francesca Nelson 
16 février: Étienne Routhier-Fillion
17 février: Maxën Aly
18 février: Nefertari Bélizaire
19 février: Ali Nestor Charles
20 février: Paola Rachel Jean-Pierre
21 février: Benz Antoine (RF) | (ENG)
22 février: Stéphanie Hyppolite
23 février: David Calizaire
24 février: Christine Mitton
25 février: Edem Awumey
26 février: Corneille
27 février: Angelo Cadet
28 février: Marie-Christine Jeanty