Combien de temps cela prend-il pour changer des perceptions? Pour changer des interactions entre les peuples?
La crise sur les accommodements raisonnables avait meurtri le Québec en 2007. On s’est ouvert les veines, on a mis nos tripes sur la table et puis… Et puis rebelote avec la Charte des valeurs québécoises en 2013. Ces événements, quoique avec de nobles intentions d’assainir les relations et le vivre ensemble, ont aussi été facteurs de division, d’exacerbation des susceptibilités de part et d’autres et, au final, d’exclusion raciale (ou religieuse).
Les couvertures médiatiques qui sont faites de tels événements ont à la fois pour but de renseigner, d’expliquer et de vendre. L’angle choisi sera tantôt sensationnaliste, tantôt choquant ou provocateur, rarement complètement objectif. Après tout, il faut attirer l’attention du spectateur ou du lectorat. Certes, il y a de l’information, mais dans cette guerre à l’audimat, les médias oublient parfois de mesurer l’effet, leur effet. Les médias transmettent la nouvelle au journal de 18h, mais sont aussi eux-mêmes la nouvelle dès le lendemain dans la cour d’école, dans la salle d’attente, dans les rues de la ville. La couverture médiatique devient parfois au coeur de la nouvelle presque au même titre que la nouvelle elle-même.
Résultat? Certains jeunes n’osent plus écrire, sur leur cv, qu’il vivent à Montréal-Nord, car ils ne seront jamais convoqués en entrevue. Des adolescentes portant le foulard se sentent désormais la cible de tous les regards, elles qui, jusqu’ici, avaient l’impression d’être intégrées malgré cette différence. D’autres perdent en ce moment-même le courage de leurs aspirations, à cause de commentaires xénophobes ou racistes à leur endroit, nés à la suite du battage médiatique.
Vivre ensemble, avec des gens de diverses origines ethniques, culturelles, linguistiques et religieuses oblige à un commun accord, oblige à une discussion. Mais l’élaboration de la solution ne devrait pas exclure les gens qui en font l’objet. Elle ne devrait pas non plus être rédigée par quelques politiciens dans le calme de leurs bureaux, sans la participation d’un comité dont les membres sont d’origines diverses, et en contact avec le terrain.
En 2009, dans le reportage Autoportrait: Noirs sur fond Blancs*, on nous rappelait que beaucoup d’immigrés ne trouvent pas de travail au Québec et cumulent des emplois mal payés malgré leurs diplômes; que bien des jeunes Noirs ne valorisent pas l’éducation parce que de toute façon, ils n’accèdent pas aux meilleurs emplois. Même de grandes stars comme Anthony Kavanagh et Corneille admettent, dans Perspective: Noirs (2013), devoir travailler plus que les autres pour réussir et, une fois au sommet, attirer les regards intrigués de ceux qui ne comprennent pas qu’un Black puisse fréquenter des lieux si huppés.
À l’échelle historique, on n’est pas si loin de la fin de l’esclavage…
Combien de temps cela prend-il pour changer des perceptions? Pour changer des interactions entre les peuples?
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Ce jeudi 27 mars 2014, Les Coulisses d’Open Télé, que j’anime, porteront sur la xénophobie. Les Québécois sont-ils xénophobes? En diffusion web en direct dès 19h30 sur le site d’Open Télé et disponible par la suite parmi les archives des Coulisses.
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*Autoportrait: Noirs sur fond Blancs: Reportage radio réalisé par Marie-Eve-Lyne Michel à l’hiver 2009, au lendemain l’élection de Barack Obama, sur la perception que les jeunes Noirs avaient d’eux-mêmes (14:08 min). Cinq and plus tard, l’écoute révèle que peu de choses ont changé depuis…
(Photo: Campagne Benetton, 1989)
> 25 mars 2014
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