Ai-je bien compris où vous voulez en venir, M. Harper?

5 Avr

Ai-je bien compris où vous voulez en venir, M. Harper?

Si je comprends bien, M. Harper :

Votre gouvernement refuse aux scientifiques le droit de parler aux journalistes des résultats de leurs recherches et des conclusions qu’ils en tirent. En propre, vous ne leur défendez pas de parler, mais ne leur donnez le droit de le faire qu’après avoir obtenu l’autorisation de votre service des relations publiques. Le seul problème c’est que dans les médias, les choses doivent aller vite alors que dans la bureaucratie, les autorisations progressent souvent bien lentement. Appelons ça un obstacle majeur. Ajoutons aussi que les scientifiques affirment que « les demandes d’entrevues sont régulièrement refusées ».

En février dernier, une coalition de scientifiques vous a d’ailleurs écrit pour demander que cesse le musellement de leur communauté. « Les Canadiens ont le droit de mieux connaître la science qu’ils financent et d’accéder librement aux explications des scientifiques publics. L’éclairage de ces experts de calibre international est essentiel à la compréhension des enjeux modernes, au débat démocratique et à des prises de décision éclairées touchant tant la santé publique que la protection de l’environnement ou le développement économique. »

À la fin de 2011, le gouvernement Harper (n’est-ce pas ainsi que vous avez contraint vos fonctionnaire de nommer le gouvernement canadien, sous peine de congédiement ?)  a choisi, au nom de Canada, de se retirer de l’Accord de Kyoto, parce qu’il trouvait « stupides » les cibles à atteindre. C’est bien ce que vous avez dit, non ? Ce à quoi votre ministre de l’Environnement, Peter Kent, s’est empressé d’ajouter: Kyoto, pour la Canada, c’est chose du passé !

« Je m’étonne, a lancé la chef du Parti Vert, Mme Elisabeth May, que le premier ministre de ce pays pense qu’il peut, sans aucune discussion en Chambre, nous retirer d’un traité international ratifié par la Chambre des communes, et toujours sans aucune discussion en Chambre, violer une loi nationale. » Moi aussi, je m’en étonne.

En mars dernier, 625 scientifiques ont co-signé une lettre qui vous a été adressée (la liste seule des signataires fait 27 pages!) en opposition au fait que vous vouliez enlever de la Loi sur les pêches toute référence à la protection de l’habitat des poissons. Et c’est l’article 35, peut-on lire dans un texte publié dans Le Devoir, « qui interdit toute  « altération, tout dérangement ou toute destruction de l’habitat du poisson», qui impose au fédéral d’exiger une évaluation environnementale de tous les grands projets industriels, dont les oléoducs, parce qu’ils traversent des cours d’eau et modifient l’habitat du poisson. Pour les conservateurs de Stephen Harper, ces exigences ralentissent la mise en marche des grands projets.»

On peut aussi penser à vos positions contestées sur l’exploitation des sables bitumineux (qui parle de désinformation M. Harper ? Le problème ici n’est pas tant relié aux émissions qu’à l’extraction !), mais aussi sur le mariage gai , le droit à l’avortement, la réduction de l’impôt aux entreprises, l’abolition du registre des armes à feu et la suppression des informations qu’il contient (que le Québec souhaite récupérer),  la nomination de juges unilingues anglais à la Cour suprême d’un pays officiellement bilingue et, plus récemment, l’acquisition des avions F-35 (dossier qui vous a valu des réprimandes sévères de la part du vérificateur général).

Ajoutons encore qu’avec votre projet de loi C-30, vous voulez accorder aux policiers un accès aux données personnelles des internautes, sans qu’aucun mandat ne leur soit nécessaire.

Votre projet de loi C-10 a, quant à lui, d’énormes conséquences pour les jeunes contrevenants,  pour qui les peines seront plus sévères (ils pourraient, par exemple, être envoyés dans des pisons pour adultes plutôt qu’en réhabilitation). Ce projet de loi est dénoncé avec véhémence par le Barreau du Québec, mais vous avez réussi à le faire passer à 154 députés contre 129 (heureux d’être enfin majoritaire ?).

Maintenant, on apprend que le budget de Radio-Canada est amputé de 115 millions de dollars et celui de l’ONF de plus de 6 millions. Ce sont là deux sources importantes du rayonnement de la culture et, par conséquent, une atteinte directe à la culture nationale et un affaiblissement de la culture québécoise.

On se rappelle, M. Harper, que votre gouvernement est tombé, en 2011, après avoir été reconnu « coupable d’outrage au Parlement ».  Mainteannt que vous avez été réélu majoritairement, vous mettez en œuvre une campagne d’élimination du financement public des partis politiques !

Alors, si j’ai bien compris, M. Harper, vous souhaitez démanteler les droits qu’une société s’est affairée à instituer et à faire évoluer pour le bien de sa population durant près de 150 ans ? Vous souhaitez reculer devant les valeurs qui ont forgé notre société et qui nous assuraient, jusqu’à votre élection, un rayonnement enviable à l’international ? Vous bafouez les valeurs démocratiques que sont l’égalité des droits, la liberté de conscience et la liberté d’expression? Suivant vos raisonnements, seul l’argent devrait mener le monde, devant les considérations environnementales, sociales et culturelles ? Toujours suivant vos actes et raisonnements, M. Harper, les fonctions politiques ne seront désormais ouvertes qu’aux personnes particulièrement bien nanties ? Êtes-vous en train de mettre en place, M. Harper, des mesures qui feront qu’on aura du mal à se présenter contre vous aux élections ?

Je suis sérieusement inquiète de l’avenir du pays dans lequel je vis.

Sachez qu’ici, M. Harper, au Québec, on veut soigner notre environnement et on a des l’estime  pour nos scientifiques et intellectuels. Sachez que nous souhaitons vivre en français, dans un cadre qui permette à la langue comme à la culture de rayonner. Observez aussi comme nous vivons en harmonie avec les anglophones, bien qu’il y ait quelques dossiers chauds qui ressurgissent de temps à autres dans nos intitutions.  Ici, M. Harper (et M. Charest, tiens!) on n’aime pas voir piller les ressources naturelles du pays avec le risque d’hypothéquer l’avenir de nos enfants. Ici, on croit dans les bonnes chances de réhabiliter un jeune contrevenant et, pour parler votre langage financier, on croit aussi qu’à terme, ça coûtera moins cher à la société de réhabiliter ce jeune que de l’emprisonner pour plus longtemps. Ici, on ne veut pas d’un gouvernement qui passe des lois pour empêcher la population de manifester,  pas plus qu’on veut des policiers qui auront accès à toutes nos informations personnelles en s’introduisant incognito et sans mandat dans nos ordinateurs. Ici, nous n’aimons pas l’idée que des citoyens aient accès à des armes sans qu’elles soient enregistrées et que la vie de nos citoyens soit en danger dans les écoles et les lieux publics, tout comme celle de nos agents de la paix puisse l’être lorsqu’ils doivent intervenir chez des gens armés sans en être informés, parce que vous avez souhaité détruire ces renseignements que vous possédez plutôt que de les partager.

Et si un jour le Québec en a assez de vous et de vos politiques, M. Harper, et choisit de se séparer, vous allez envoyer des chars d’assaut et vos beaux avions F35 tout neufs ?

 

(Photo: Travis Ford)