Derrière moi, au café

6 Juil

Derrière moi, au café

Vieillir…

Elles sont là, derrière moi, au café. Deux jolies mamies au visage marqué par le temps et au regard encore coquin. Mais un jour, comme ça, malgré elles et à cause du nombre des années, plus rien ne reste privé. Elles sont un peu sourdes, vous voyez? Alors tout ce qu’elles disent, tout ce qu’elles content, le moindre problème de santé, tout le resto en est au courant.

Et en même temps, écouter ces deux mamies a quelque chose d’instructif. Retrouver son amie de fille, même passé 80 ans, ça reste chouette! Et avec elle, comme à toutes les phases de la vie, on continue de partager ce que l’on vit. Les entendre rappelle à ma mémoire toutes ces heures passées au téléphone avec mes amies lorsque j’étais adolescente, toutes ces histoires d’amour qu’on s’est contées dans la vingtaine… Puis, virent les bébés. On a continué de partager ce qu’on vivait, ce qu’on apprenait, les difficultés qu’on traversait. C’est normal, on partage ce que l’on vit, ce qui nous préoccupe. Et quand on voit nos amis tomber malades, mourir… rien de plus normal que de se préoccuper de sa santé et de celle des gens qu’on aime. Les suivis médicaux, la prise régulière de médicaments, les effets secondaires, ça bouleverse quand même le quotidien! C’est un peu comme si le corps devenait une entité distincte dont on doit obligatoirement tenir compte dans la moindre activité.

« Moi, quand il y a quelque chose que je n’aime pas, ça me rend nerveuse… »

« Mon cœur, dans ce temps-là, il a besoin de se reposer. »

« Il faut que je passe l’été à l’intérieur parce que je dois faire attention à ma respiration. Dehors,  il y a trop de poussière… »

« Quand j’ai eu 85 ans, j’ai parlé avec ma fille et lui ai dit qu’il faudrait que je commence à regarder pour un appartement. »

« Mes amis m’ont dit : « Attention, vous allez voir, entre 82 et 86, il y a une grosse différence! »

Et puis, comme ça, elle refont le monde et la santé du monde entier. Au bout d’un moment, l’une d’elles demande :
« As-tu un autre rendez-vous après?
–  Non, j’ai tout fait, je suis même allée chez la coiffeuse hier.
–  On va magasiner? »

Et elles partent, en papotant.  Finalement, vieillir, c’est un peu comme l’adolescence avec ses changements corporels et ses préoccupations spécifiques, sauf en plus vieux. Maintenant, il faudrait que je comprenne comment l’une d’elles arrive à percevoir cinq pensions. Elle dit que ça fait un plein salaire!