Archive | décembre, 2017

Martine Bertrand: du fil rouge et des histoires

10 Déc

Martine Bertrand: du fil rouge et des histoires

Elle est pétillante, elle est joviale, elle est dynamique et elle est peintre. Martine Bertrand s’exprime avec ses pinceaux comme d’autres s’expriment avec les mots et toutes ces qualités se retrouvent sous ses traits de couleur. Le résultat est tantôt ludique, tantôt pur et esthétique, tantôt chargé de mouvement.

« Les papiers m’inspirent beaucoup. Souvent, je ne travaillerai pas sur du papier blanc. Ça me bloque. Le fait de travailler sur un papier écru, ou un papier kraft, j’aime tellement ça! » On retrouve d’ailleurs, à sa nouvelle exposition, une série de tableaux d’inspiration japonaise, avec de petites geishas dessinées à l’encre de chine sur ce papier formé de longues fibres entrelacées qu’est le papier japonais. Elle explore d’ailleurs l’art du sumi-e, une technique de peinture japonaise, que l’on verra probablement lors d’une prochaine exposition. « C’est un autre monde. C’est la même gestuelle que quand j’ai fait les logogrammes d’Arrival, la rondeur, les fréquences auxquelles je dessine, l’état d’âme…  »

 

Arrival, si vous ne l’avez pas vu, est un film de science-fiction américain, réalisé par le Québécois Denis Villeneuve, dans lequel des extraterrestres tentent d’entrer en communication avec les humains. Martine a créé le langage extraterrestre, constitué de logogrammes de formes arrondies.

 

Pas étonnant qu’elle ait réussi à créer un langage graphique à elle seule, car la répétition se retrouve dans nombre de ses oeuvres. Sa main court seule sur le papier, comme dotée d’une intelligence qui lui est propre. Après, s’en dégagent un langage, un personnage, une impression. On pourrait même dire que sa spécialité est les « petits personnages », comme elle les appelle. « Ça part tout seul, c’est automatique. Je les prends comme ils viennent; après, quand je les retouche avec mon graphite, je les arrange un peu. Mais je prends le personnage comme il est. Il y en a des beaux, il y en a des bizarres, c’est comme la société! »

Elle aime le fait qu’à l’intérieur des tableaux où se trouvent beaucoup de répétitions, comme dans ses galeries de petits personnages, chacun puisse se perdre dans le tableau et s’amuser à se raconter une histoire avec les multiples personnages. « J’aimerais un jour faire un énorme tableau pour Ste-Justine, pour les enfants malades, dit-elle, pour qu’ils partent dans le dessin… qu’ils aient ça dans leur chambre ou je ne sais trop. Tu peux aller loin là-dedans ! » s’exclame-t-elle. « Ça attire beaucoup les enfants, ce que je fais. J’adore les enfants, ça me nourrit. »

 

Artiste complète, Martine Bertrand était auparavant conceptrice de costumes, au ballet à à l’opéra. La Scala, Opéra de Paris, Opéra de Munich, Opéra d’Oslo: les plus grandes compagnies réservaient ses services et se succédaient à son agenda. « J’avais toujours une aiguille dans les mains. Quand les gens venaient chez moi, soit ils marchaient sur une aiguille, soit ils s’assoyaient sur une aiguille. J’étais comme un porc-épic ! », se souvient-elle en plaisantant. Ainsi, comme un clin d’oeil à cette époque révolue, elle insère à ses dessins, çà et là, un point de fil rouge, un encadré, une simple ligne de fil, qui relie entre eux des dessins, des personnages.

Si vous avez envie de découvrir son travail, passez par la Galerie Espace, sur St-Laurent, d’ici le 12 décembre. Et suivez son travail sur son site Internet et sur sa page Facebook. Ses toiles se vendent comme des petits pains chauds!

 

(2017)

Ô Bali – Quelle découverte!

8 Déc

Ô Bali – Quelle découverte!

Hier soir avait lieu ce fameux concert de musique balinaise dont je vous ai parlé un peu plus tôt cette semaine. Quelques minutes avant le début du spectacle, les sièges de la salle Pierre-Mercure, à Montréal, étaient presque tous remplis. Il faut dire que le public était déjà conquis! Si à peine 20 à 30 personnes sur les 600 que peut contenir cette salle avaient déjà mis les pieds à Bali, une grande majorité avait déjà entendu jouer un gamelan! Je n’en faisais pas partie.

Le gamelan est un ensemble de musiciens qui s’exécutent sur des instruments traditionnels balinais ou javanais. Le chef de l’ensemble Giri Kedaton, Pierre Paré-Blais, a d’ailleurs fait une présentation de ces instruments fort intéressante en début de soirée.

Puis, vint le concert. Pour moi, ce fut la surprise. Par curiosité, j’avais écouté un peu de gamelan sur Internet. Je dirais que ce contexte est une excellente façon de constater les limites de ce qu’un micro et du son compressé sur Youtube peuvent vous faire entendre. Rien n’a d’égal l’oreille dans la salle de spectacle ! Les nuances sont tout autres, les sons plus définis, la mélodie plus harmonieuse et plus agréable. Vraiment, c’est une expérience à découvrir en personne.

Derrière leurs instruments, certains étaient concentrés, d’autres amusés. L’amorce du concert vient avec un rituel de mise en place et de prise de possession des instruments. Et ça commence! On aurait envie d’être un petit oiseau pour voler au-dessus de ces instruments rouges et or et observer la rapidité avec laquelle les musiciens percutent les lames de métal et de bois de leurs instruments. Puis retentit le gong. Le plus gros. Grave, profond, long. Il émet un son que je n’avais jamais entendu. Une vibration, une résonance, presque un ohm.

Le compositeur à qui l’on rendait hier soir hommage, José Evangelista, explique dans une vidéo de la SMCCQ certains principes de cette musique si caractéristique. « On dit que [la musique] est hétérophone parce que tous les musiciens, en réalité, jouent la même idée musicale, mais étant donné qu’elle est ornementée, on dirait qu’elle se superpose à elle-même. » En gros, c’est un peu comme si les musiciens jouaient en canon, mais avec un décalage minime de moins d’une seconde, d’où cette impression de superposition.

Grande particularité de ce concert, un orchestre d’instruments occidentaux, sous la direction de Walter Boudreau, s’est attaqué à la pièce Ô Bali. De toute beauté! Composée par Evangelista et inspirée du gamelan, on y sent toute l’influence balinaise dans la cadence comme dans la mélodie. Après, cette même pièce a été jouée par un gamelan, en grande première mondiale, devant nous. En toute honnêteté, il m’était plus facile de reconnaître l’influence du gamelan dans la composition d’Evangelista que de reconnaître la pièce entendue précédemment sous les rythmes du gamelan.

Les danseuses à l’oeuvre sur les rythmes du gamelan Giri Kedaton. Crédit photo: Jérôme Bertrand

 

Le spectacle comportait aussi des pièces de deux compositeurs balinais, interprétées par le gamelan, dont l’une comportait un numéro de danse classique typique de Bali. Trois danseuses ont pris d’assaut le centre de la scène, dans leurs chatoyants costumes rouges et jaunes, avec des coiffes majestueuses. Ondulations des bras, cou tendu, coup d’oeil et petits pas, elles ont raconté une histoire où elles personnifiaient des animaux, comme c’est souvent le cas dans cette danse traditionnelle. Cette fois-ci, gracieuses et agiles, elles se sont transformées en canards, aux rythmes des percussions, des flûtes et des gongs.

Ce spectacle fut donc une grande découverte, une incursion réussie dans une culture qui m’est complètement étrangère, mais que j’ai maintenant envie de découvrir davantage. Quand j’ai demandé à José Evangelista ce qu’il avait pensé de l’adaptation et de l’interprétation de sa composition au gamelan, il m’a répondu, d’un air amusé et avec une pointe de fierté:
« C’est comme s’amuser à être dans la tête du compositeur. Il y a plusieurs interprétations possibles, plusieurs voies. Ça, c’en est une.
– Et l’adaptation, elle vous a plu?
– C’est moi qui l’ai composée! a-t-il lancé. »

Ce qui me fait conclure que malgré les adaptations et possibles versions d’une composition-mère, malgré la touche d’autres artistes, l’auteur conserve en tout temps et sous toutes versions son sentiment de paternité sur l’oeuvre.

Bravo Evangelista!

L’ensemble Giri Kedaton, lors du concert Ô Bali.
Crédit photo: Jérôme Bertrand

(2017)

Ô Bali – Un voyage musical dans l’univers de José Evangelista

4 Déc

Ô Bali – Un voyage musical dans l’univers de José Evangelista

Jeudi le 7 décembre prochain, la Société de musique contemporaine du Québec (SMCQ) et son chef Walter Boudreau vous convient à un voyage en Indonésie.

Dans sa série hommage, la SMCQ a choisi cette année d’honorer le compositeur canadien José Evangelista. Né en Espagne, son parcours musical a subi des influences de l’Afrique du Nord, de la civilisation mauresque, de la France et de l’Indonésie, plus particulièrement Bali, où il a découvert une tradition musicale qui l’a fortement marqué.

Ô Bali est un concert qui mélange traditions balinaises et modernité, où les spectateurs pourront apprécier des sonorités traditionnelles comme celles, plus exotiques, d’instruments balinais, grâce à la présence d’un gamelan, un ensemble formé d’instruments de bois et de cuivres, typiques des îles de Java et Bali.

Le concert porte le nom d’une des compositions d’Evangelista. « La pièce est un hommage à ce qu’il a vécu quand il est allé à Bali la première fois », explique le chef et directeur artistique Walter Boudreau. « Il a composé une pièce qui s’inspire de la pratique et des fondements musicaux de la région, et de la façon dont ces gens fonctionnent musicalement. Mais cet hommage à Bali, il l’a fait pour des instruments occidentaux : deux flutes, deux violons, un violoncelle, une contrebasse, un vibraphone et un piano. C’est la pièce que je dirigerai », explique-t-il.

La grande particularité de ce concert, c’est que pour la toute première fois, la pièce Ô Bali sera jouée par un gamelan, sous la direction de Pierre Paré-Blais, chef de l’ensemble Giri Kedaton. On pourra donc entendre une interprétation faite par des Canadiens, qui joueront sur des instruments traditionnels javanais, qui ont eux-mêmes inspiré la création de la pièce. « C’est back to the future! » plaisante Walter Boudreau.

Passionné par ce concert qui approche et l’originalité qu’il revêt, le chef d’orchestre s’enthousiasme et explique qu’à Java et à Bali, le gamelan occupe une grande place dans la société. « Chaque village a son gamelan, son band, avec des instruments qui ont été forgés par le ferblantier du village, avec des gongs, avec des lames de percussions ou des instruments avec des lames de bois qui ont donné naissance, à toute fin pratique [sic], à nos vibraphones, à nos xylophones et nos marimbas. »

Ce jeudi, José Evangelista, qui sera présent dans la salle, pourra donc entendre pour la toute première fois sa composition interprétée par un gamelan. L’une des pièces présentées ce soir-là, car trois autres compositeurs se joindront aussi à l’événement, sera accompagnée d’un numéro de danse classique, typique de cette région.

Le compositeur José Evangeliasta se raconte à la journaliste-réalisatrice Claire Cavanagh, dans la vidéo « 3. José Evangeliaste – Ô Bali », disponible ci-dessous.

 

« On va vous introduire à un art merveilleux! » poursuit Boudreau, qui ne tarit pas d’éloges devant le parcours d’Evangelista. « José est un compositeur important. Un compositeur de grand talent qui a amené ici une vision très particulière de la musique. Imaginez un compositeur Espagnol, né à Valence, avec des influences de la musique de l’Afrique du Nord et qui est allé en Indonésie, qui a fait des études scientifiques (licence en physique), qui est devenu informaticien, qui a enseigné à l’Université de Montréal. Mais quel personnage fascinant ! Il est entré au pays en tant qu’informaticien! »

José Evangelista avait en effet commencé ses études musicales en parallèle avec ses études scientifiques. Arrivé au Canada en 1970, il a étudié la composition et obtenu un doctorat de l’Université McGill en 1984. Il a enseigné à l’Université de Montréal de 1979 à 2009 et transmis sa passion du gamelan à de nombreux étudiants. Tout au long de sa carrière, il a poursuivi une démarche qui visait à faire une musique qui soit basée essentiellement sur la mélodie.

Le concert sera présenté à 20h30, à la salle Pierre-Mercure du Centre Pierre-Péladeau. Il sera précédé, à 20h, d’une présentation spéciale des instruments composant le gamelan, animée par le chef de l’ensemble Giri Kedaton, Pierre Paré-Blais.

Photo en tête d’article: Evelyne Demers
Autres photos issues de la vidéo « 3. José Evangelista – Ô Bali »,
réalisée par Claire Cavanagh, présentée par la SMCQ.

(2017)