Ô Bali – Quelle découverte!
8 Déc
Hier soir avait lieu ce fameux concert de musique balinaise dont je vous ai parlé un peu plus tôt cette semaine. Quelques minutes avant le début du spectacle, les sièges de la salle Pierre-Mercure, à Montréal, étaient presque tous remplis. Il faut dire que le public était déjà conquis! Si à peine 20 à 30 personnes sur les 600 que peut contenir cette salle avaient déjà mis les pieds à Bali, une grande majorité avait déjà entendu jouer un gamelan! Je n’en faisais pas partie.
Le gamelan est un ensemble de musiciens qui s’exécutent sur des instruments traditionnels balinais ou javanais. Le chef de l’ensemble Giri Kedaton, Pierre Paré-Blais, a d’ailleurs fait une présentation de ces instruments fort intéressante en début de soirée.
Puis, vint le concert. Pour moi, ce fut la surprise. Par curiosité, j’avais écouté un peu de gamelan sur Internet. Je dirais que ce contexte est une excellente façon de constater les limites de ce qu’un micro et du son compressé sur Youtube peuvent vous faire entendre. Rien n’a d’égal l’oreille dans la salle de spectacle ! Les nuances sont tout autres, les sons plus définis, la mélodie plus harmonieuse et plus agréable. Vraiment, c’est une expérience à découvrir en personne.
Derrière leurs instruments, certains étaient concentrés, d’autres amusés. L’amorce du concert vient avec un rituel de mise en place et de prise de possession des instruments. Et ça commence! On aurait envie d’être un petit oiseau pour voler au-dessus de ces instruments rouges et or et observer la rapidité avec laquelle les musiciens percutent les lames de métal et de bois de leurs instruments. Puis retentit le gong. Le plus gros. Grave, profond, long. Il émet un son que je n’avais jamais entendu. Une vibration, une résonance, presque un ohm.
Le compositeur à qui l’on rendait hier soir hommage, José Evangelista, explique dans une vidéo de la SMCCQ certains principes de cette musique si caractéristique. « On dit que [la musique] est hétérophone parce que tous les musiciens, en réalité, jouent la même idée musicale, mais étant donné qu’elle est ornementée, on dirait qu’elle se superpose à elle-même. » En gros, c’est un peu comme si les musiciens jouaient en canon, mais avec un décalage minime de moins d’une seconde, d’où cette impression de superposition.
Grande particularité de ce concert, un orchestre d’instruments occidentaux, sous la direction de Walter Boudreau, s’est attaqué à la pièce Ô Bali. De toute beauté! Composée par Evangelista et inspirée du gamelan, on y sent toute l’influence balinaise dans la cadence comme dans la mélodie. Après, cette même pièce a été jouée par un gamelan, en grande première mondiale, devant nous. En toute honnêteté, il m’était plus facile de reconnaître l’influence du gamelan dans la composition d’Evangelista que de reconnaître la pièce entendue précédemment sous les rythmes du gamelan.
Le spectacle comportait aussi des pièces de deux compositeurs balinais, interprétées par le gamelan, dont l’une comportait un numéro de danse classique typique de Bali. Trois danseuses ont pris d’assaut le centre de la scène, dans leurs chatoyants costumes rouges et jaunes, avec des coiffes majestueuses. Ondulations des bras, cou tendu, coup d’oeil et petits pas, elles ont raconté une histoire où elles personnifiaient des animaux, comme c’est souvent le cas dans cette danse traditionnelle. Cette fois-ci, gracieuses et agiles, elles se sont transformées en canards, aux rythmes des percussions, des flûtes et des gongs.
Ce spectacle fut donc une grande découverte, une incursion réussie dans une culture qui m’est complètement étrangère, mais que j’ai maintenant envie de découvrir davantage. Quand j’ai demandé à José Evangelista ce qu’il avait pensé de l’adaptation et de l’interprétation de sa composition au gamelan, il m’a répondu, d’un air amusé et avec une pointe de fierté:
« C’est comme s’amuser à être dans la tête du compositeur. Il y a plusieurs interprétations possibles, plusieurs voies. Ça, c’en est une.
– Et l’adaptation, elle vous a plu?
– C’est moi qui l’ai composée! a-t-il lancé. »
Ce qui me fait conclure que malgré les adaptations et possibles versions d’une composition-mère, malgré la touche d’autres artistes, l’auteur conserve en tout temps et sous toutes versions son sentiment de paternité sur l’oeuvre.
Bravo Evangelista!
(2017)
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