Au matin du 9 novembre…
9 Nov
Ce matin, au petit déjeuner, je lui ai dit: « Trump a gagné. Trump est le nouveau président des États-Unis. » Elle m’a regardée, avec ses grands yeux bleu-vert, d’un air inquiet, déconfit. « Maman, ce n’est pas possible! Ce n’est pas vrai ? »
J’aurais aussi aimé que ce soit une mauvaise blague. Elle n’a évidemment pas suivi toute la campagne et ne sait pas non plus tout ce que représente Trump, tout ce que représente ce vote. Elle n’a que 11 ans. Nous avons parlé de son comportement intimidateur, de ses propos qui vaudraient une suspension à n’importe quel élève de son école.
J’ai voulu poursuivre la discussion, mais n’en ai pas été capable. Je me suis demandée par où commencer. Sa vision des femmes? Fallait-il lui expliquer qu’il les considère comme des objets et que le nouveau président des États-Unis a dit d’elles: » Grab them by the pussy « ? Peut-on dire ça à une fillette de 11 ans?
Je suis canadienne et métissée, fille d’un père immigrant haïtien, je vis avec un immigrant français et nous vivons au Québec. À elle seule, notre petite famille représente un beau mélange planétaire. Faut-il lui dire que les Américains ont choisi un président qui tient des propos racistes? Que les difficultés que vivent les Noirs et d’autres minorités ethniques ou religieuses aux États-Unis pourraient bien s’accentuer avec une montée de l’intolérance et de la xénophobie?
Dois-je lui parler de la planète que nous lèguerons à sa génération alors que le leader d’une des plus grandes puissances économiques de ce monde croit que le réchauffement climatique n’est qu’une invention des Chinois et que ses manifestations ne sont que les aléas de la météo? Et que, plutôt que de développer des énergies vertes et durables, il propose de relancer l’industrie du charbon, ainsi que l’exploration pétrolière et gazière? Peut-on dire tout ça à un enfant au petit déjeuner?
J’ai choisi de la laisser découvrir ces choses à petites doses, à mesure que se tisserait l’actualité américaine du gouvernement Trump.
En voiture pour l’école, elle m’a dit:
« Maman, pour devenir président, ça ne prend rien de spécial?
– Non, lui dis-je. Aux États-Unis, il faut être né aux États-Unis. Au Canada, tout citoyen canadien peut devenir premier ministre.
– …
– Et il faut avoir 18 ans.
– Ha! C’est ça!
– Tu veux devenir premier ministre?
– Je ne suis pas Américaine, donc je ne pourrais pas être présidente des États-Unis, mais peut-être ici, au Québec ou au Canada. Il y a tellement à faire maman, tellement… »
Elle a pris sa petite boîte à lunch, m’a embrassée et est partie pour l’école.
Au matin du 9 novembre, ses idéaux sont intacts.
(2016)
Derniers commentaires