Haïti : Le 12 janvier 2010 de Philippe Fehmiu

12 Jan

Haïti : Le 12 janvier 2010 de Philippe Fehmiu

« Que de souvenirs ! Quand j’ai reçu l’appel pour aller en Haïti, nous mangions ensemble au Méli Mélo », se rappelle Philippe Fehmiu. C’est bien vrai.

Le 12 janvier 2010, la terre s’était mise à gronder, en Haïti. Puis, le sol s’est s’est mis à onduler comme on secoue un tapis, à jeter par terre les gens, les édifices, tout. Plus de deux minutes de peur et de chaos ont ravagé Port-au-Prince et une vaste partie du pays. Ce jour-là, Philippe et moi en étions à nos derniers préparatifs en vue de tourner, pour VOXCouleur: Noirs, un documentaire sur l’identité noire au Québec. Le 15 janvier devait être notre premier jour de tournage. Il a été annulé. L’équipe, tout de même réunie, a décidé d’aller manger dans le quartier St-Michel, chez Mélio Mélo, une petite épicerie avec un comptoir de nourriture haïtienne.

« J’ai eu un appel autour de 14h, se souvient-il, on venait tout juste de finir d’écouter le bulletin de nouvelles à la radio.  On annonçait que des gens marchaient sur la capitale avec des machettes, ils avaient faim. » À 14h, donc, la soeur de Philippe, Myriam Fehmiu, alors responsable des communications au Centre d’étude et de coopération internationale, le CECI, lui propose de participer à une mission bénévole pour assurer la distribution d’eau et de matériel, ainsi que documenter l’action de l’organisme sur le terrain. « On allait partir tout de suite, dans la nuit. J’avais une demi-heure pour lui répondre. » Au Méli Mélo, la nervosité se lisait sur le visage de Philippe. Autour de nous, des visages endeuillés, des visages inquiets, des traits paralysés par une attente insoutenable. Des regards silencieux dînaient ce jour-là à nos côté. « J’ai dit oui. »

Le CECI souhaitait avoir une personnalité publique, haïtienne de surcroît, pour participer à cette mission, mais n’avait trouvé personne qui soit disponible avec un si court préavis. « Avec mon passé militaire, poursuit Philippe, je savais que je pouvais assurer la job de bras en plus de contribuer à mobiliser la population québécoise autour de la cause ». Philippe et Myriam, d’origine béninoise, sont donc montés à bord d’un vol d’Air Canada, le premier vol humanitaire  à quitter le Canada en direction d’Haïti, emportant de l’eau, de l’équipement pour faire la cuisine et de la nourriture.

« On a tourné au dessus d’Haïti durant environ 1h, avant d’avoir l’autorisation de se poser », relate Philippe. Sur place, la désorganisation régnait. Impatient, sachant que la population avait faim, il a pris l’initiative de coordonner lui-même le déchargement et le transport des vivres. Juché sur un triporteur, il organisait tout.

Vers 15h, le 16 janvier, Myriam et Philippe ont fait un tour de ville, pour constater l’état des alentours. Voici une vidéo qu’ils ont tournée le 17 janvier.

 

« J’ai vu des centaines de morts, partout. » Philippe marque une pause, imprégné de ce souvenir apocalyptique. « Ils étaient par terre et dans les décombres, depuis cinq jours. Je n’avais jamais vu de piles da cadavres de ma vie… »

Jusqu’au 20 janvier, avec l’équipe du CECI, il a dormi en plein air, sur la terrasse d’un restaurant. Tous les jours, l’épaule à la roue, de 4h du matin à minuit, ils ont distribué, donné, travaillé. Armé de son iPhone, Philippe tournait des reportages et témoignait, en entrevue, auprès de différents médias. En tout, il a tourné une vingtaine de reportages et accordé 75 entrevues.

« Je ne sais pas si je suis devenu Haïtien ce jour-là, mais je suis devenu très citoyen et me suis senti très près du peuple haïtien. »

Au lendemain de son retour, Philippe nous rejoignait pour poursuivre le tournage de Couleur : Noirs. Il me livrait ces impressions saisissantes :